Cour d’assises d’Abidjan: Voici l’intervention complète de Simone Gbagbo
I. SUR LE VAINQUEUR DES ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES DE 2010
La Commission Electorale Indépendante (CEI) a transmis au Conseil Constitutionnel, les 30 novembre et 1er Décembre 2010, tous les procès- verbaux de dépouillement des votes du deuxième tour des élections présidentielles sans proclamer de résultats provisoires.
En réalité, la CEI n’a pas été en mesure de procéder à la proclamation de résultats provisoires faute de consensus, mais surtout faute de pouvoir établir un Procès-Verbal de délibération et de résultats au plus tard le 1er décembre 2010.
Le 1er Décembre 2010, le candidat Laurent GBAGBO a, conformément à l’article 60 de la Constitution, formulé des requêtes devant le Conseil Constitutionnel sur des irrégularités constatées, lors du 2nd Tour du scrutin, dans les bureaux de vote de huit départements (Bouaké, Korhogo, Boundiali, Dabakala, Ferkessedougou, Katiola, Béoumi, et Sakassou).
Le 2 Décembre 2010, prenant acte de la transmission des procès-verbaux de dépouillement, et des requêtes du candidat Laurent GBAGBO, le Conseil Constitutionnel a rendu une décision dans laquelle il dessaisissait la Commission Électorale Indépendante, et constatait avoir été régulièrement saisi.
Pièce : Décision de dessaisissement
Ainsi, la critique tendant à affirmer que le Conseil Constitutionnel s’est auto- saisi de la question électorale tentant, par ce fait, d’empêcher la CEI de procéder à la proclamation des résultats provisoires est totalement erronée.
Cependant, ce même 02 Décembre 2010, et contre toute attente, Monsieur BAKAYOKO Youssouf, Président de la Commission Electorale Indépendante, est allé tout seul proclamer de prétendus résultats au quartier général du candidat du RDR, Monsieur Alassane OUATTARA.
Pour le Juge d’Instruction et la Chambre d’Accusation, la Commission Electorale Indépendante aurait de ce fait proclamé le 02 Décembre 2010, les résultats des élections présidentielles donnant le Candidat Alassane OUATTARA, vainqueur.
A ce niveau, j’ai plusieurs remarques à faire :
Tout d’abord, cette déclaration de Monsieur BAKAYOKO Youssouf est intervenue plus de trois jours après la clôture du scrutin du 28 novembre 2010, en dehors de son siège, et en l’absence des médias ivoiriens, alors que la CEI était forclose et avait elle-même déjà transmis tous les procès-verbaux de dépouillement au Conseil Constitutionnel ;
Deuxièmement : Le Président de la CEI ne peut procéder à une proclamation qu’avec l’ensemble de son bureau réuni, et au siège de son institution. Cette proclamation solitaire au QG d’un candidat rend sa déclaration nulle et de nul effet ;
Troisièmement : Le Président de la CEI, n’a jamais pu disposer d’un Procès-verbal de délibérations ni de la liste d’émargement des Commissaires Centraux pour justifier de la validité des résultats qu’il a annoncés ; Cela n’était pas possible puisqu’il n’y a pas eu de délibération ;
Enfin, conformément à la loi, toutes proclamations émanant de la CEI, réunie au grand complet, et portant sur des résultats, ne peuvent être que des résultats provisoires. En effet, le caractère provisoire des résultats proclamés par la CEI n’est remis en question par personne.
Le 3 Décembre 2010, le Conseil Constitutionnel a proclamé le candidat Laurent GBAGBO, vainqueur de l’élection présidentielle dans le respect du texte constitutionnel.
Pièce : Décision du Conseil Constitutionnel du 3 Décembre 2010
Or, tout le monde sait qu’en Côte d’Ivoire l’article 98 de la Constitution dispose que :
«Les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes autorités administratives, juridictionnelles, militaires et à toutes personnes physiques ou morales ».
Je considère donc que le débat sur le vainqueur de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire est clos avec la décision du Conseil Constitutionnel ; et que Monsieur Laurent GBAGBO est le vainqueur des élections présidentielles de 2010 en Côte d’Ivoire.
Quel est le magistrat qui ose s’ériger contre une décision du Conseil Constitutionnel et dans quelle intention le fait-il ?
Le 4 Décembre 2010, Monsieur Laurent GBAGBO prêtait serment devant le Conseil Constitutionnel. Cela est précisé par l’article 39 de la Constitution qui précise que « dans les 48 heures de la proclamation définitive des résultats, le Président de la République élu prête serment devant le Conseil Constitutionnel, réuni en audience solennelle ».
Toutes ces formalités ayant été appliquées conformément à l’article 39 de la Constitution, Monsieur Laurent GBAGBO est le Président de la République de la Cote d’Ivoire.
Je tiens à préciser que quel que soit le gouvernement mis en place par Monsieur Alassane OUATTARA, il ne pouvait être valable qu’après sa prestation de serment devant le Conseil Constitutionnel réuni en audience solennelle, et cela conformément à l’article 39 de la Constitution.
Pourquoi le juge d’instruction et à sa suite, la Chambre d’Accusation, des magistrats c’est-à-dire des personnalités garantes du respect de la loi, dans l’Arrêt qui me renvoie devant la présente Cour d’Assises, qualifie Monsieur Alassane OUATTARA de « Président élu » en 2010 au Golf Hôtel.
Comment une telle chose peut-elle se faire dans la Nation ivoirienne ?
Le seul Président élu à la suite des élections présidentielles de 2010, est Monsieur Laurent GBAGBO.
II. SUR LA PRISE DU POUVOIR PAR ALASSANE OUATTARA
L’Arrêt de la Chambre d’Accusation qui me renvoie devant les présentes Assises, dispose que « Le Président élu, Monsieur Alassane OUATTARA, formait un Gouvernement retranché au Golf Hôtel, tandis que le Président sortant, Monsieur Laurent GBAGBO mettait également en place un Gouvernement. »
Une telle affirmation de la Chambre d’Accusation est choquante et inacceptable.
C’est une contrevérité.Il n’a jamais subsisté en Côte d’Ivoire, deux Gouvernements légaux à la même époque.
Du 4 Décembre 2010 jusqu’au 11 Avril 2011, date de notre capture par les forces de la coalition internationale menée par la France, Monsieur Laurent GBAGBO était le seul Président de la Côte d’Ivoire.
Le seul Gouvernement légitime qui existait en Côte d’Ivoire, à cette époque, était celui mis en place par Monsieur Laurent GBAGBO avec à sa tête le Premier Ministre Gilbert AKE N’GBO.
A cette époque, Monsieur Alassane OUATTARA n’était pas Président de la Côte d’Ivoire et le Gouvernement qu’il avait mis sur pied était parfaitement illégal.
Oui je sais qu’après la capture du Président Laurent GBAGBO et de moi- même, à la résidence présidentielle, le Conseil Constitutionnel a rendu une nouvelle décision le 4 Mai 2011, proclamant Monsieur Alassane OUATTARA Président de la République.
Pièce : Décision du Conseil Constitutionnel du 4 Mai 2011
Le Conseil Constitutionnel a ainsi rendu :
Le 3 décembre 2010, une décision proclamant les résultats définitifs de l’élection présidentielle faisant du Président Laurent GABGBO le vainqueur de ladite élection, et ce conformément aux pouvoirs que lui confère l’article 94 de la Constitution ;
Le 4 mai 2011, une décision que je pourrai qualifier de décision politique de légitimation du candidat perdant, mais soutenu par la Communauté Internationale.
Comment puis-je être poursuivie alors que j’ai respecté la décision du Conseil Constitutionnel ?
Monsieur Alassane OUATTARA n’a prêté serment devant le Conseil Constitutionnel réuni en audience solennelle que le 6 Mai 2011, et le 21 Mai 2011, il faisait son investiture à YAMOUSSOUKRO.
Notons au passage que ces deux actes de Mai 2011 sont posés en violation flagrante de la Constitution. Ce qui montre bien que nous sommes dans un processus de coup de force pour la prise du pouvoir, et tout cela organisé et légitimé par la Communauté internationale qui va venir parrainer ces évènements-là.
S’il avait véritablement donné une quelconque valeur à sa « prestation de serment » solitaire, par courrier du 3 décembre 2010, pourquoi Monsieur Alassane OUATTARA prête-t-il de nouveau serment, en audience solennelle, le 6 Mai 2011 ?
Si la prestation de serment par écrit du 3 décembre 2010 était valable, la 2ème prestation de serment serait alors superfétatoire !
Sur quel texte de loi, la Chambre d’Accusation s’est-elle appuyée pour affirmer que Monsieur OUATTARA avait pris fonction en qualité de Président depuis Décembre 2010 au Golf hôtel et que son Gouvernement était en place depuis cette date ?
Nous savons tous que Monsieur Alassane OUATTARA n’est devenu «Président de la République de la Côte d’Ivoire» qu’à compter de sa prestation de serment du 6 Mai 2011 devant le Conseil Constitutionnel ;
Nous savons tous que le premier Gouvernement de Monsieur OUATTARA n’a pris fonction qu’à partir du 6 Mai 2011.
Monsieur Alassane OUATTARA lui-même, a reconnu cela, le 1er Mai 2016, lors de son discours devant les syndicats de travailleurs, lorsqu’il déclarait et je cite :
« Selon tout le décompte qui a été fait et en relation avec l’opposition, il n’y a plus de prisonniers de la crise postélectorale dans les prisons. Je veux que vous le sachiez et que cette intoxication arrête. Nous définissons la crise post-électorale comme ayant pris fin à l’occasion de ma prestation de serment en mai 2011. »
Oui Monsieur Alassane OUATTARA lui-même a déclaré avoir pris fonction à compter de sa prestation de serment en Mai 2011 ;
Après, c’était au tour du Procureur de la République près le Tribunal d’Abidjan, dans un communiqué transmis à la presse et mis en ligne le 25 Mai 2016, relatif à l’affaire dite « des prisonniers politiques », de reconnaître que Monsieur Alassane OUATTARA a pris fonction en Mai 2011, lorsqu’il déclarait et je cite :
«Il convient de préciser que parmi ces vingt-deux (22) personnes, trois (03) ont été arrêtées avant le 21 Mai 2011, date de la prestation de serment du Président de la République et considérée comme la fin de la crise postélectorale ».
Quand j’imagine que sur la base des contrevérités du Ministère Public, du juge d’instruction et de la Chambre d’Accusation, nous nous sommes fait condamner aux dernières Assises pour avoir prétendument posé des actes hostiles au Gouvernement du Golf Hôtel de Décembre 2010 de Monsieur Alassane OUATTARA.
Et dire que des Ministres du dernier Gouvernement de Décembre 2010 de Monsieur Laurent GBAGBO, ont été injustement maintenus en détention pendant des années puis condamnés à tort par la Cour d’Assises juste pour avoir été membres de ce Gouvernement légal, celui de Monsieur Alassane OUATTARA n’étant intervenu qu’en Mai 2011 !
INTERVENTION DE MADAME SIMONE GBAGBO (IV)
III. SUR LA CRISE POST-ELECTORALE
Selon l’Arrêt de la Chambre d’Accusation qui me renvoie devant la présente Cour d’Assises, la crise postélectorale serait née du souci des membres des forces de défense et de sécurité fidèles à Monsieur Laurent GBAGBO, de tout mettre en œuvre dans le but d’empêcher le Gouvernement de Monsieur Alassane OUATTARA de s’installer et de fonctionner aisément, se faisant aider par des jeunes gens enrôlés et formés en armées parallèles, et des mercenaires étrangers.
Cette assertion de la Chambre d’Accusation est une fois de plus erronée car Monsieur Alassane OUATTARA n’avait pas de Gouvernement légitime avant Mai 2011.
Il n’y avait donc aucune raison pour qui que ce soit, d’empêcher le fonctionnement d’un Gouvernement de Monsieur Alassane OUATTARA qui n’avait aucune légitimité.
Contrairement à l’Arrêt de la Chambre d’Accusation, la crise postélectorale est plutôt née du refus de Monsieur Alassane OUATTARA, aidé par les autorités françaises, très efficace quand il s’agit de mobiliser ladite communauté internationale, de reconnaître la victoire de Monsieur Laurent GBAGBO.
Il a refusé de respecter le choix du peuple ivoirien et ainsi que la décision du Conseil Constitutionnel rendue conformément à la Constitution ivoirienne.
A. SUR LE REFUS D’ALASSANE OUATTARA
Le 3 décembre 2010, c’est à dire le jour même où le Conseil Constitutionnel a proclamé le candidat Laurent GBAGBO, vainqueur de l’élection présidentielle, Monsieur Alassane OUATTARA signifiait au Conseil Constitutionnel un premier serment par écrit.
Pièce: Courrier d’Alassane OUATTARA du 3 décembre 2010
Je précise qu’aucun texte régissant les élections présidentielles en Côte d’Ivoire ne prévoit une prestation de serment par écrit adressée au Président du Conseil Constitutionnel.
La Loi ivoirienne prévoit comme je l’ai dit, la prestation de serment devant le Conseil Constitutionnel réuni en audience solennelle.
Le 8 Décembre 2010, le Conseil Constitutionnel rappelait à Monsieur Alassane OUATTARA que la Commission Électorale Indépendante n’avait pu donner de résultats provisoires conformément aux textes, et que conformément aux dispositions de l’article 94 de la Constitution, les résultats définitifs sont du ressort exclusif du Conseil Constitutionnel.
Pièce: Courrier du Conseil Constitutionnel du 8 décembre 2010 (Page 8 sur 19)
Lequel Conseil Constitutionnel a proclamé le 3 Décembre 2010, le candidat Laurent GABGBO vainqueur de l’élection présidentielle.
Le 22 Décembre 2010, à la suite de la correspondance de Monsieur Alassane OUATTARA, le Conseil Constitutionnel rendait une décision dans laquelle, il déclarait nulle et de nul effet, la prestation de serment par écrit de Monsieur Alassane OUATTARA, et précisait que les actes de ce dernier ne sauraient donc engager la Côte d’Ivoire.
Pièce: Décision du Conseil Constitutionnel du 22 Décembre 2010
A la suite de tout cela, la Côte d’Ivoire fera l’objet d’une agression violente et multiforme.
Les troupes rebelles de Monsieur Alassane OUATTARA et de Monsieur Guillaume SORO, aidées par leurs mercenaires et milices appuyées par les forces onusiennes et françaises, ont entrepris la descente sur Abidjan massacrant des populations civiles, humiliant des représentants de l’État, éventrant des prisons, pillant et incendiant les résidences des cadres de la LMP sur leur passage, et cela tout le long de leur avancée.
La Côte d’Ivoire fera en outre, l’objet d’un embargo économique et tous ses avoirs à l’extérieur seront gelés.
B. LES AUTORITÉS FRANÇAISES, PARTIES AU CONFLIT
J’ai constaté une ingérence des autorités françaises dans le débat ivoirien. Cela s’est manifesté entre autres, par la lettre du Président SARKOZY au Président de la Commission Électorale Indépendante. De quoi se mêle-t-il ?
Cela s’est aussi manifesté par les bombardements des aéronefs français, qui n’ont jamais eu pour but de protéger les populations civiles, mais d’assister la rébellion dans ses attaques contre l’armée ivoirienne et les institutions de la Côte d’Ivoire, puis donner directement le coup final du 31 Mars au 11 Avril 2011.
Puis les autorités françaises n’ont malheureusement fait qu’accentuer la crise postélectorale :
En encourageant le candidat malheureux à user de la violence au lieu de saisir le Conseil Constitutionnel pour dénoncer d’éventuelles irrégularités ;
En incitant à la prise de résolutions onusiennes et européennes visant à établir des embargos dont les principales victimes sont les populations civiles ;
En bombardant la résidence présidentielle pendant une dizaine de jours, alors qu’aucune résolution de l’ONU ne leur donnait ce pouvoir.
C’est à croire que l’intention inavouée des autorités françaises était l’élimination physique du Président élu Laurent GBAGBO.
En tout état de cause, tout cela était prémédité si l’on en croit le Président SARKOZY qui aurait déclaré selon des journalistes français dans l’ouvrage « ça reste entre nous, hein » les propos suivants et je cite :
« (…) Quand je vois, le soin que j’ai mis à intervenir en Côte d’Ivoire … On a sorti Laurent GBAGBO, on a installé Alassane OUATTARA, sans aucune polémique sans rien ».
(Extrait du livre de Nathalie SCHUCK et Frédéric GERSCHEL, Edition Flammarion)
IV SUR LA VIOLATION DE MES DROITS
Je voudrais me pencher sur deux points qui touchent fondamentalement au respect de mes droits et qui portent sur :
La violation de mon immunité de parlementaire ;
La violation des règles de perquisitions dans le cadre de l’instruction.
A. SUR LA VIOLATION DE MON IMMUNITE PARLEMENTAIRE
Aux termes de l’article 68 de la Constitution :
«Aucun député ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivis ou arrêtés en matière criminelle ou correctionnelle qu’avec l’autorisation de l’Assemblée Nationale, sauf le cas de flagrant délit. Aucun député ne peut, hors session être arrêté qu’avec l’autorisation du Bureau de l’Assemblée Nationale sauf les cas de flagrants délits des poursuites autorisées ou des condamnations définitives ».
Aux termes de l’article 59 alinéas 1 et 3 de la Constitution, la durée de la législature est de cinq ans, et « les pouvoirs de l’Assemblée Nationale expirent à la fin de la 2ème session Ordinaire de la dernière année de son mandat ».
Par un Avis du 15 décembre 2005, le Conseil Constitutionnel a rappelé que « à défaut d’élection dans les délais, les pouvoirs de l’Assemblée Nationale ne peuvent prendre fin sans porter atteinte à des principes et règles de valeurs constitutionnelles ; qu’il en va ainsi :
– De « la séparation et l’équilibre des pouvoirs » auxquels le peuple de Côte d’Ivoire exprime son attachement dans le préambule de la Constitution, la cessation des fonctions du Parlement pouvant rompre ledit équilibre ;
– De l’exercice de la souveraineté du peuple par ses représentants élus, tel que prescrit par les articles 31 et 32 de la Constitution, le Parlement par la cessation de ses pouvoirs ne pouvant plus exprimer la volonté du peuple ;
– De la continuité de la vie de la Nation, qui implique le maintien du Parlement, pouvoir public essentiel à la sauvegarde des valeurs démocratiques auxquelles le peuple de Côte d’Ivoire est attaché, comme il résulte du préambule de la Constitution ; c’est dur este dans cet esprit que l’article 59 alinéa 4 prescrit le renouvellement des membres de l’Assemblée Nationale avant l’expiration de leur mandat. »
En l’espèce, le 16 Décembre 2000, j’ai été élue Députée de la Commune d’ABOBO.
Le 19 septembre 2002, la République de Côte d’Ivoire a été victime d’une tentative de coup d’état qui a porté atteinte à son intégrité territoriale, et ne permettant pas la tenue d’élections dans les délais constitutionnels ;
C’est dans ces conditions que dans son Avis du 15 décembre 2005, le Conseil Constitutionnel a décidé que « l’Assemblée Nationale demeure en fonction et conserve ses pouvoirs ».
C’est ainsi que l’Assemblée Nationale a continué de fonctionner postérieurement au 16 décembre 2005.
Les nouvelles élections parlementaires ne sont intervenues que le 11 décembre 2011.
Par conséquent, il ne pouvait être remis en cause ma qualité de Députée jusqu’au 11 décembre 2011.
Dès lors, je bénéficiais d’une immunité parlementaire pour toute la période précitée.
En l’espèce, j’ai été inculpée et placée sous mandat de dépôt alors que mon immunité n’avait pas été levée et que le Bureau de l’Assemblée Nationale n’avait pas donné d’autorisation à cet effet.
Force est de constater que l’action publique a été initiée à mon encontre bien avant la fin de mon mandat.
Il ne saurait être invoqué un cas de flagrant délit pour justifier la présente procédure, dans la mesure où les dispositions de l’article 53 et suivant du Code de Procédure Pénale régissant les poursuites des crimes et délits flagrants ne permettent nullement l’ouverture d’une information judiciaire.
Par conséquent, et au regard de tout ce qui précède, je proteste vigoureusement contre la violation de mon immunité parlementaire.
B. SUR LA VIOLATION DES RÈGLES DE PERQUISITION
Il a été procédé par les Juges d’instruction à des perquisitions à la Résidence Présidentielle et dans les locaux de mon bureau annexe
A l’issue de ces perquisitions, le Juge d’instruction a procédé à des saisies de documents et biens, qu’il a mis sous scellés.
L’Article 95 du code de procédure pénale dispose que :
«Si la perquisition a lieu au domicile de l’inculpé, le juge d’Instruction doit se conformer aux dispositions des articles 57 et 59. »
L’Article 57 en effet, exige que la perquisition se fasse en présence de l’inculpé ou d’un représentant de son choix.
En l’espèce, les perquisitions ont été faites en mon absence et en l’absence de tout représentant de ma part.
Mieux, je n’avais jamais été informée de ce que des perquisitions se faisaient à mon domicile afin que je puisse apprécier l’opportunité d’y assister ou de désigner un représentant à cet effet.
Cela constitue une violation de mes droits prévus à l’article 57 du code de procédure pénale.
Par ailleurs, l’Article 97 alinéa 3 dispose que :
«Ces scellés ne peuvent être ouverts et les documents dépouillés qu’en présence de l’inculpé assisté de son conseil, ou eux dûment appelés. »
En l’espèce, le juge d’instruction a procédé à l’ouverture des scellés et au dépouillement des documents et objets hors ma présence et celle de mon Avocat.
J’ai été surprise d’apprendre, de manière incidente, que certains documents censés m’appartenir, ont été transmis au Procureur de la CPI.
Cela constitue une violation de mes droits prévus à l’article 97 alinéa 3 du code de procédure pénale.
Au regard de tout ce qui précède, je proteste vigoureusement contre la violation de mes droits prévus au titre des règles de perquisitions.
INTERVENTION DE MADAME SIMONE GBAGBO (III)
V. SUR LES CHEFS D’ACCUSATION
A l’origine, l’ordonnance du juge d’instruction me renvoyait devant la Chambre d’Accusation pour les infractions suivantes :
Génocide ;
Crime contre les populations civiles ;
Meurtre ;
Assassinat ;
Viol;
Coups et blessures volontaires ;
Complicité et tentative de ces infractions ;
Voies de faits ;
Crimes contre l’humanité ;
Crimes contre les prisonniers de guerre.
A l’issue de l’examen par la Chambre d’Accusation de ladite Ordonnance du Juge d’instruction, je n’étais renvoyée devant la présente Cour d’Assises que pour finalement les deux infractions de :
Crimes contre l’humanité ;
Crimes contre les prisonniers de guerre.
Je ne me reconnais pas dans ces chefs d’accusation.
Mais surtout, je voudrais faire les observations ci-après :
L’Arrêt de la Chambre d‘Accusation dénombre des faits dont il essaie de m’imputer la responsabilité sans jamais me rapporter la preuve et surtout leurs liens avec moi.
Ce sont notamment :
La marche de la RTI du 16 Décembre 2010 ;
Les obus lancés sur le marché Siaka Koné d’Abobo ;
La marche des femmes d’Abobo du 3 mars 2011 ;
Les barrages de quartier ;
L’émission « Raison d’État ».
A. SUR LA MARCHE DE LA RTI DU 16 DECEMBRE 2010
Selon l’Arrêt de la Chambre d’Accusation, l’accès aux médias d’État du nouveau « Président élu » Monsieur Alassane OUATTRA et de son « Gouvernement » était entravé.
Cette marche de la RTI avait donc pour but de faire libérer les médias d’État et de faire installer le nouveau Directeur Général de la RTI ainsi nommé par le Gouvernement du Golf de Décembre 2010 ;
L’Arrêt indique que cette marche pacifique a été réprimée par les forces de défense et de sécurité faisant usage d’armes à feu avec balles réelles occasionnant parmi les marcheurs et même des personnes étrangères à la marche, de nombreux morts et blessés ;
Cette marche de la RTI appelle de ma part les observations suivantes :
– Contrairement à ce que professe la Chambre d’Accusation, Monsieur Alassane OUATTARA comme lui-même le reconnaît, n’est devenu Président de Côte d’Ivoire qu’en Mai 2011 ;
En Décembre 2010, Monsieur Alassane OUATTARA ne disposait d’aucun Gouvernement légitime qui aurait été empêché d’avoir accès aux medias d’État ;
– La fameuse marche de la RTI n’était pas une marche pacifique mais bien un mouvement armé planifié par les forces rebelles depuis le Golf Hôtel ;
Dans leurs différentes tentatives d’arracher le pouvoir à Laurent Gbagbo de toutes les manières possibles.
En effet, des preuves attestent bien de cela et au cours de ce procès, ma défense produira les vidéos prouvant que la marche de la RTI organisée par Monsieur Alassane OUATTARA et ses collaborateurs dont Monsieur SORO Guillaume et les Commandants de zones, étaient bel et bien une attaque armée planifiée ;
Certaines des forces de l’ordre commises à la sécurisation de cette marche y perdront la vie, sauvagement assassinées par des manifestants armés venus du Golf Hôtel, QG de Monsieur Alassane OUATTARA.
Certains de ces manifestants venus du Golf seront d’ailleurs appréhendés par les forces de l’ordre puis jugés devant le Tribunal de Première Instance d’Abidjan Plateau et condamnés pour usage d’armes ou d’explosifs au cours de ladite marche sur la RTI.
Mon équipe de défense vous produira au cours de ce procès, la preuve de la condamnation de ces marcheurs armés de la RTI.
Par ailleurs, je n’ai jamais été impliquée dans la sécurisation de ladite marche de la RTI et aucun témoin ne m’y implique d’une quelconque manière.
Cela a été du ressort du Gouvernement ivoirien via son Ministre de l’Intérieur, et la Direction Générale de la Police, dont le Directeur Général de l’époque est toujours actuellement en fonction et au même poste.
Je trouve bien curieux que la justice ivoirienne, pour la manifestation de la vérité, n’ait jamais éprouvé le besoin d’entendre le Directeur Général de la Police Nationale dont les unités avaient en charge sa sécurisation.
B. DES OBUS LANCES SUR LE MARCHE SIAKA KONE D’ABOBO
Selon l’Arrêt de la Chambre d’Accusation, des obus auraient été lancés sur le marché Siaka Koné d’Abobo en pleine journée occasionnant des morts et des blessés parmi les commerçants et les clients.
Il a été dit que ces obus auraient été tirés depuis le camp Commando d’Abobo.
Je suis bien étonnée que le juge d’Instruction puis à sa suite, la Chambre d’Accusation aient pu faire de telles affirmations extrêmement graves sans avoir commis un expert en balistique pour rapporter la preuve de ce que des obus auraient été effectivement tirés sur le marché Siaka Koné d’Abobo depuis le camp Commando d’Abobo.
Contrairement aux affirmations gratuites de la Chambre d’Accusation, il n’a jamais été rapporté la preuve de ce que des obus auraient été tirés sur le marché Siaka Koné par les forces de défense.
Je voudrais faire remarquer que des éléments des forces de défense et de sécurité ont déjà été poursuivis et jugés par le Tribunal Militaire, pour ces mêmes tirs d’obus prétendument tirés depuis le Camp Commando sur le marché Siaka KONE.
Ils ont tous été déclarés non coupables.
Mieux, au cours de ce procès, un Expert militaire en armement a été appelé à l’effet d’éclairer le Tribunal Militaire sur cette question. Cet Expert a expliqué qu’il était impossible de tirer des obus sur le marché Siaka Koné depuis le camp Commando d’Abobo sans courir le risque d’endommager le camp du fait de la proximité des deux sites.
C. LA MARCHE DES FEMMES D’ABOBO DU 3 MARS 2011
Selon l’Arrêt de la Chambre d’Accusation, des femmes qui manifestaient calmement pour réclamer le départ du Président élu, Laurent GBAGBO ont été violemment attaquées par un char de l’armée.
Je suis particulièrement touchée par les violences faites aux femmes et ne peut que déplorer, toutes les agressions physiques qu’elles ont pu subir.
Cependant, comment le Juge d’instruction et la Chambre d’Accusation, sans jamais avoir fait procéder à une seule autopsie, et à une seule analyse balistique affirment de façon péremptoire, une fois de plus que cette attaque émane sans aucun doute de l’armée ?!
Nul n’ignore qu’à cette époque, Abobo était le fief du Commando invisible, force rebelle pro Ouattara, qui se vantait de tuer d’innocentes personnes et surtout les forces de défense et de sécurité dans la zone d’Abobo mais aussi de Plateau Dokui et même de Cocody Angré.
En tout état de cause, il n’y a aucune élément factuel ni aucun propos de nature à pouvoir lier ces faits à ma personnes.
D. LES BARRAGES DE QUARTIER
L’Arrêt de la Chambre d’Accusation me reproche de n’avoir pas demandé à la population de lever les barrages de quartier.
Selon la Chambre d’Accusation, j’aurais ainsi encouragé et approuvé les conséquences de ces barrages, en l’occurrence, les exactions et atrocités commises sur les populations civiles.
Toujours selon la Chambre d’Accusation, mes fonctions me permettaient d’avoir accès aux médias d’État pour faire cesser ces exactions. Je désapprouve complètement ces affirmations de la Chambre d’Accusation qui appellent de ma part les observations ci-après :
– Dans tous les quartiers d’Abidjan, les populations qui se sentaient en danger érigeaient des barrages ;
Pour moi, cela découlait du besoin de protection des populations face aux attaques ou agressions dont elles faisaient l’objet.
A un moment de la crise postélectorale, les forces de défense et de sécurité avaient de plus en plus de mal à assurer la sécurité, car les combats avaient pris la forme de guérilla dans les quartiers. De sorte que les Forces de défense et de sécurité habituées au combat classiques se trouvaient déphasées et dépassées.
Les populations qui se sentaient donc désemparées ont pu ériger des barrages pour tenter de se protéger.
– Les barrages étaient érigés partout à Abidjan par les populations et ce peu importe leurs appartenances politiques, ethniques ou religieuses.
Même dans les bastions du RDR de Monsieur Alassane OUATTARA, ses militants érigeaient également des barrages. Aux dernières assises, des militants du RDR ont reconnu à la barre avoir érigé des barrages dans les quartiers qui leur sont majoritairement favorables.
– L’Arrêt de la Chambre d’Accusation ne rapporte pas comment j’aurais encouragé et approuvé l’établissement des barrages dans les quartiers.
Tout au cours de l’instruction de ce dossier, il ne m’a jamais été rapporté la preuve de ce que j’aurais encouragé et approuvé l’établissement des barrages.
Quel acte d’encouragement j’aurais posé et dont la preuve aurait été rapportée.
Quel acte d’approbation aurais-je posé et qui aurait été démontré ?
Par ailleurs, je n’ai eu aucun contact ou lien avec les barrages ou personnes qui s’y tenaient.
Je ne suis et ne peux être responsable de quelques actes qui y auraient été commis.
E. SUR L’ÉMISSION « RAISON D’ÉTAT »
L’Arrêt de la Chambre d’Accusation prétend que j’aurais une main mise sur les médias d’État, en utilisant des émissions comme « Raison d’État » pour véhiculer des messages de haines à l’égard de tous ceux qui s’opposaient au maintien au pouvoir de mon époux.
Une telle affirmation de la Chambre d’Accusation est très grave et erronée.
Aux dernières Assises auxquelles j’ai participé, les responsables et animateurs de l’émission « Raison d’État » ont été jugés et déclarés non coupables, car cette émission n’avait jamais véhiculé un seul message de haine.
Par ailleurs, la Chambre d’Accusation n’a jamais produit une seule vidéo ou un seul écrit de moi véhiculant un message de haine ou appelant des ivoiriens à s’attaquer à d’autres ivoiriens.
F. SUR LA PRÉTENDUE CELLULE DE CRISE
Oh Seigneur, que d’ignominie !
L’arrêt de mise en accusation prétend que : « le FPI a mis en place une cellule de crise dans le courant du mois de janvier 2011, qui se réunissait à la résidence présidentielle et constituait l’organe chargé de la planification et de l’organisation de la répression ».
C’est pourquoi j’ai crié oh Seigneur.
Il faut prouver l’existence de cette « cellule de crise ».
Il faut également prouver que la « cellule de crise » aurait ordonné et planifié la répression des populations.
La lecture de l’arrêt de mise en accusation m’a rendu très triste. Mes accusateurs sont allés d’allégations fausses en allégations plus fausses, à la limite même de la diffamation.
Ils ont osé écrire qu’ « il s’infère de ce qui précède que la crise postélectorale a été un catalysateur instrumentalisé par Madame Simone GBAGBO et son clan afin d’aboutir à l’exécution du projet d’élimination d’une partie de la population ivoirienne, juste sympathisante de Monsieur Alassane OUATTARA et du RHDP ».
Troublant, quelques lignes plus loin ils écriront: «considérant que c’est conformément aux actions planifiées et organisées par la cellule de crise dont Simone GBAGBO est le membre le plus influent et sur son initiation que ces actes répréhensibles ont été commis par les miliciens et les FDS à la solde de celle-ci».
Chaque mot est une infamie.
Que des affirmations, des affirmations graves, des affirmations posées comme des postulats !
Aucune preuve, des contrevérités, un travestissement éhontée de la vérité, la déformation sans vergogne des faits !
Monsieur le Président, cet arrêt m’a beaucoup attristée parce qu’il est l’œuvre d’hommes de loi, censés représentés la Justice.
La seule institution qui devrait garantir l’application de la Loi, le respect des droits des citoyens, l’impartialité et l’indépendance dans le traitement des affaires qui lui sont soumises.
La Justice ne devrait pas se laisser instrumentaliser pour être l’expression d’une vengeance politique !
Je vous remercie de m’avoir écoutée, et je suis à votre disposition pour toutes les questions que vous voudriez me poser.
Simone EHIVET GBAGBO
Abidjan – 1er Juin 2016
Source: eburnienews
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