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Le groupe Total a engagé une procédure d’arbitrage international contre Sonatrach sur le partage des profits, un autre cas d’école.

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Total a introduit une action dans les juridictions internationales, pour une procédure d’arbitrage, afin de contester la manière dont l’Algérie s’est prise pour modifier rétroactivement la façon dont les profits tirés des hydrocarbures (pétrole et gaz) doivent être partagés entre l’État et le Peuple Algérien et les compagnies qui opèrent dans ce secteur, nous informe Le Monde, repris par les sites algerie1.com et algeriepatriotique.com.

L’information a été livrée samedi 01 Juin par le PDG du groupe pétrolier français Patrick Pouyanné, par l’entremise d’une dépêche de l’AFP. Selon le PDG, Total a essayé de trouver un terrain d’entente à l’amiable, sans y parvenir, voilà pourquoi elle a choisi la voie de l’arbitrage. Cette déclaration a été faite aux journalistes, en marge d’un forum économique qui s’est tenu à Aix-en-Provence (sud).

Le quotidien Le Monde informe également que Total s’est associé à son partenaire espagnol Repsol pour entamer discrètement, à l’abri des regards en mai dernier, une procédure revendicative auprès de la Cour internationale d’arbitrage basée à Genève, une information qui a été confirmée par Patrick Pouyanné à l’AFP, selon le site algerie1.com.

Total et son partenaire espagnol Repsol sollicitent auprès de la Cour internationale d’arbitrage, dépendant elle-même de la Chambre de commerce internationale, l’obtention de compensations financières conséquentes atteignant des centaines de millions d’euros (plus de 500 millions) de la part de Sonatrach et de l’État algérien.

Les sociétés multinationales ou les fonds vautour attaquent souvent les pays au moment où les cours sont soit au plus haut pour rafler la mise, soit au plus bas, pour les affaiblir d’une certaine manière et plus tard au besoin racheter à vil prix les ressources naturelles, puisque ceux-ci seraient financièrement épuisés et étouffés et accepteraient en temps de vache maigre les conditions les plus misérables pour quelques millions ou milliards d’euros, sans se soucier de l’avenir lointain ou à moyen-terme de leurs populations.

Surtout qu’à ces moments, les populations n’ont généralement pas été préparées et mises en condition de résistance face à la manipulation politique extérieure, par laquelle les puissants passent pour déstabiliser politiquement les pouvoirs en place. D’où la nécessité de clarifier en interne en mettant en place un système politique cohérent et juste, défendant les intérêts de tous sans exclusivité et protégeant de la même manière les droits de tous.

L’objet de leur action auprès de cette juridiction montée à la sauce libérale et néolibérale, est de contester ce que ces groupes considèrent comme un revirement d’Alger, qui pour eux a subrepticement de façon impromptue changé les règles du jeu en 2006 à son avantage pour que le pays profite mieux des ressources financières issues de l’activité des hydrocarbures, en raison de la hausse des prix du pétrole.

Car les prix étaient montés au-dessus de 100 dollars le baril et la taxe appliquée sur les bénéfices exceptionnels (variant entre 5% et 50%) concernait tous les produits selon Le Monde dont les prix dépassaient les 30 dollars le baril. Comment le partage se faisait antérieurement pour que l’Algérie s’en offusque et se rétracte, était-il inéquitable en faveur des multinationales ? Pourquoi Total et Repsol ont attendu dix ans avant de revendiquer leurs droits ? De telles négociations à l’amiable ne peuvent pas prendre autant de temps.

En réalité les coûts de production rendaient l’activité rentable à partir de 70 dollars le baril et à plus de 100 dollars les compagnies étaient satisfaites. C’est seulement quand les prix se sont effondrés à partir de juillet 2014 que certaines d’entre elles se sont tardivement réveillées pour ne pas être perdantes sur ce marché. Car les multinationales n’aiment pas partager les pertes avec les pays producteurs qui doivent les supporter seuls. L’Algérie a pour les conditions de l’époque pris la décision de créer une taxe rétroactive sur les profits exceptionnels réalisés par les compagnies étrangères.

L’Algérie a donc par ce biais modifié unilatéralement les clauses de leurs contrats initiaux. Sans doute que la procédure usuelle dans les affaires apparaissait comme limitée, statique, inégale et inéquitable.

Quels étaient donc les détails de ces types de contrats et comment étaient répartis les profits générés ? L’Algérie s’est-elle sentie subitement flouée par ces compagnies étrangères ? Avait-on intégré dans les clauses les intérêts évolutifs inaliénables du peuple algérien ? Quels sont les acteurs judiciaires appelés à intervenir dans les décisions de l’arbitrage, en d’autres termes quelle est la nationalité des juges et leurs secteurs géographiques d’appartenance ? Dans quel moule théorique ont-ils été formés et quel est leur degré de probité intellectuelle ?

On sait qu’en France, la loi permet des augmentations des prix ou des taxes, c’est le cas par exemple de ceux du tabac pour obliger les fumeurs à arrêter de fumer ou de réduire leurs consommations de cigarettes, pour faire baisser le nombre de malades de cancers du poumon et donc les coûts supportés par la sécurité sociale. L’Algérie a donc le droit de modifier les taxes pour protéger les intérêts de l’État et des algériens.

Le seul problème qui pourrait se poser est sur la rétroactivité des actes posés et des mesures prises, la loi algérienne le permet-elle ou est-ce une disposition prise exceptionnellement et uniquement pour les sociétés évoluant dans le secteur des hydrocarbures ? Existe-t-il des précédents dans le pays pouvant faire jurisprudence ?

On sait que Sonatrach a déjà versé en compensation en 2012 à Anadarko et au danois Maersk 4 milliards de dollars, afin d’éviter d’aller à l’arbitrage international. Cela signifie que l’État algérien connait les risques en sa défaveur dans de telles juridictions, comme si c’était automatique pour ce genre de cas de perdre. Ce précédent a sans doute donné des idées à d’autres.

Pourquoi l’État algérien a-t-il été obligé de procéder ainsi en mettant en place des taxes exceptionnelles rétroactives ? N’existait-il pas une disposition protectrice pour la nation qui permettait à la fois d’adapter la répartition du profit automatiquement en fonction de l’évolution positive (faible ou forte) ou négative des profits ?

A-t-il existé des périodes où les compagnies pétrolières ont tiré plus profit de l’activité que l’État algérien ? Qui a élaboré les termes des contrats de base, est-ce des modèles préétablis ou un autre conçu conjointement ? Qui contrôle les juridictions internationales utilisées dans ce type de litige ? Les juridictions internationales actuelles sont-elles bien calibrées pour trancher ce genre de litiges à intérêts et cultures diamétralement opposés ?

Il est temps que l’Afrique prenne ses responsabilités et crée des juridictions internationales capables de trancher des faits se déroulant sur les territoires de leurs membres. Car si les dettes contractées depuis des décennies peuvent être réclamées et augmentées à l’envie, la loi dans un pays a le droit de revenir également à un certain moment sur les clauses contractuelles pour changer les termes d’un contrat s’il s’avère qu’il est prouvé qu’à un certain moment de l’histoire, le pays ou un groupe de pays a ou ont été floué(s).

Les multinationales sont souvent heureuses et les pays producteurs ne se plaignent jamais lorsque les termes sont à l’avantage de leurs partenaires. Les multinationales ne rectifient jamais par elles-mêmes le tir lorsque la partie adverse (pays producteur) est lésée. Et les pays ne réclament pas non plus souvent leurs droits, sachant les rapports de force en leur défaveur, compte tenu de la manière dont ils sont organisés sur le plan international.

C’est aux parties qui subissent de s’organiser autrement pour engager des procédures de recouvrement qui leur permettront d’entrer dans leurs droits légitimes et récupérer ce qui leur est dû réellement ou d’en changer les termes pénalisant. Il faut naturellement séparer les procédures législatives qui dépendent du législateur et celles de la contractualisation dépendant des parties contractantes, qui elles-mêmes sont soumises à la loi locale.

Les parties contractantes ne doivent pas se substituer ou se situer au-dessus des lois qui peuvent à tout moment s’adapter aux mouvements et à l’évolution de la société. La procédure continentale éviterait l’isolement, puisque le groupe Total par exemple est une société certes à la base privée, mais elle a avalé Elf Aquitaine, une société d’État. Cela signifie que de près ou de loin, l’État a un droit de regard implicite ou explicite.

Le secteur énergétique est très stratégique pour l’État français et quoi que ces compagnies en disent, elles sont soutenues en sous-main par l’État, donc la bataille aux niveaux des juridictions internationales pourrait être considérée comme perdue d’avance, sauf si la chance souriait à l’Algérie, au regard de ce qui se passe avec le procès de Gbagbo et Blé Goudé où tout semble clairement transparaître de la manipulation et une injustice criarde. Comment un procès pour les mêmes faits d’un même conflit peut-il séparé les uns (camp Gbagbo) des autres (camp Ouattara) ? Que juge-t-on alors et quelle vérité veut-on faire apparaître ? C’est une parodie de justice.

Jean de Dieu MOSSINGUE

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