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Brexit : les médias affichent leur haine du peuple et de la démocratie

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Le résultat du référendum britannique sur la sortie de l’Union Européenne a été un véritable choc pour les élites au pouvoir et leurs relais médiatiques. Le parti de la presse et de l’argent a ainsi montré son véritable visage au lendemain du Brexit, et comme à chaque déconvenue démocratique le mépris de classe et la haine du peuple ont transpiré à travers la multiplication des éditoriaux et des prises de positions journalistiques.

Le choc

Alors que les médias dominants n’ont jamais caché leur parti-pris européiste et avaient largement fait campagne pour le « oui » lors du référendum français de 2005 sur la constitution européenne, la victoire des indépendantistes britanniques a constitué un véritable désaveu, aussi bien de leur idéologie politique qui vise à la constitution d’un état fédéral européen sous gouvernorat technocratique et à la disparition des souverainetés nationales, que de leur exercice de propagande quotidien. A la fois désaveu idéologique et professionnel, le vote des britanniques en faveur de l’indépendance et de la souveraineté nationale, a donc constitué un véritable « choc » qui s’est affiché comme tel en « une » des grands médias français et européens. Le quotidien allemand Der Spiegel résume ainsi le désarroi du parti de la presse et de l’argent face à un résultat « contraire à l’avis de presque tous les experts, à la raison économique et au souhait des autres Européens », et parle de « Big bang » :



Le caractère « choquant » du vote britannique pour les médias européens, tel que le résume le Spiegel, consiste effectivement dans cette manifestation d’indépendance des électeurs britanniques qui se sont prononcés contre l’avis des experts, de la « raison économique » (c’est à dire du libéralisme), et des « autres européens » qui regroupent en réalité dans l’esprit des éditorialistes leurs propres confrères et faiseurs d’opinion.

De nombreux autres médias partagent leur stupeur au lendemain du référendum, avec une mise à distance plus ou moins grande. Pour l’hebdomadaire L’Express, il s’agit d’un « choc historique » :



Le Point, évoque « l’onde de choc » d’un tsunami. Le Brexit est ainsi assimilé à une catastrophe de portée mondiale provoquée par les britanniques, des criminels inconscients ?



Pour Le Figaro, l’onde de choc se limite à Bruxelles, est-ce à dire qu’il s’agit d’une tempête dans le marigot bruxellois ?



C’est le Frankfurter Allgemeine Zeitung qui nomme cependant avec le plus de précision la nature véritable de la « catastrophe » qui a placé les médias européens en « état de choc ». Il s’agit de « la nouvelle force du nationalisme » :



La « catastrophe » du Brexit, telle qu’elle est explicitée par le Frankurter Allgemeine Zeitung, résume parfaitement l’idéologie et le projet européen qui se perçoit et se conceptualise comme un antidote au « danger nationaliste » responsable de tous les maux passés de l’Europe. Ce raisonnement tient pourtant autant de la croyance magique que du révisionnisme et procède par amalgame. Rendre les nations responsables des nationalismes du XXème siècle revient ainsi à rendre les voitures responsables des accidents de la circulation. Supprimer les voitures supprimerait certes par la même les accidents, mais laisserait leurs conducteurs échapper à leurs responsabilités. Supprimer les nations permettrait ainsi selon les européistes de supprimer le nationalisme, mais cela ne supprimera pas les peuples pour autant. Et en dernier ressort, ce sont bien les peuples qui posent problème aux partisans du mondialisme qui s’incarne dans la construction européenne.

Si l’on ne peut pas supprimer les peuples, il faut alors leur ôter tout moyen politique d’exister et de s’exprimer collectivement.

Après le « choc » que constitue l’irruption du peuple britannique sur la scène politique, voici donc venu le moment du déni.

Le déni

Après le temps de la stupeur et du choc, le parti de la presse et de l’argent s’est dans un premier temps réfugié dans le déni, dans une tentative infantile de fuir une réalité douloureuse.

Ce furent d’abord les analyses détaillées du vote des britanniques, laissant percevoir une « cassure » au sein de la société, entre jeunes et vieux, entre les centres urbains cosmopolites engagés dans la mondialisation et les périphéries rurales, laissant espérer que le vote ne représentait pas tous les britanniques, mais seulement une frange populaire, vieillissante et déclassée, les laissés-pour-compte de la mondialisation, dont la voix ne devrait par conséquent pas être prise en considération…

Le journal Le Point s’interroge ainsi : « qui a voté leave ? qui a voté remain ? ». Et sans surprise, c’est un « leave » populaire que dessinent les cartes des votes détaillés : « le Royaume-Uni du Brexit n’est pas celui des centres-ville riches, du Sud, conservateur et prospère, des grandes universités. C’est le Royaume-Uni populaire, celui des campagnes, de l’Est, du Nord, jadis de gauche et ouvrier. »

Pour l’hebdomadaire L’Express, le vote révèle une fracture entre jeunes et vieux :



Dès lors que le vote en faveur du « leave » est assimilé aux déclassés, aux vieux, et au peuple, le parti de la presse et de l’argent va enclencher un mécanisme de déni démocratique. Pour les élites, le vote « populaire », forcément « populiste » est par définition irrationnel. Il est ainsi sujet à caution et devrait être subordonné à l’avis forcément « éclairé » des experts et des élites dirigeantes ainsi que des catégories sociales supérieures. D’ailleurs, le « peuple » n’est-il pas dangereux et xénophobe ? La preuve, les manifestations de racisme et de xénophobie se multiplient au Royaume-Uni :



Même l’agence de presse russe Sputnik, relaiera l’amalgame entre partisans du « leave » et xénophobie :


La messe est donc dite : les partisans du « leave », des retraités, des chômeurs, des prolétaires, sont racistes et nationalistes, ils renvoient ainsi l’Europe aux pires heures de son histoire… Dans ce cas, faut-il vraiment tenir compte de leur vote ? La démocratie, n’est-elle pas finalement un danger pour la démocratie ? Ne vaudrait-il pas mieux revenir sur le résultat du référendum pour le bien de tous, d’autant que, comme le signale fort à propos le journal Le Monde, de nombreux britanniques regrettent leur vote ?



Le quotidien Libération se fait quant à lui l’écho des londoniens qui ont manifesté dans les rues de la capitale « leur désir de rester dans l’Union Européenne », et qui dénoncent « la classe politique et les médias sur fond de multiplication des attaques xénophobes. »



Comme nous le décrit Libération, au contraire des partisans du Brexit, xénophobes, vieux, chômeurs et misfits, [laissés-pour-compte, Ndlr] les londoniens sont au contraire tout le portrait de la mondialisation heureuse, de cette classe de CSP+ à laquelle s’adresse la presse nationale française. Ils défilent ainsi dans « une ambiance festive et souriante ». Il s’agit d’une « véritable marée humaine qui avançait, parfois en dansant, sous les«hourras» des badauds aux balcons. », ce qui n’est pas sans rappeler les scènes de liesse populaire de la libération de Paris… Et au cas ou le lecteur n’aurait pas bien saisi le clivage, le journal en remet une couche : « Le refus d’une immigration incontrôlée a été l’un des arguments majeurs du camp du Brexit, au risque de lâcher la bride aux pulsions les plus xénophobes. Les incidents racistes se sont d’ailleurs multipliés depuis le résultat du vote. »

Dès lors, il devient légitime pour les médias de s’interroger : le référendum est-il finalement démocratique ? Ne faut-il pas, sur les questions essentielles, se passer de l’avis du peuple (c’est précisément l’essence du projet européen), forcément xénophobe, irrationnel, et manipulé par des opportunistes populistes ?

Le journal l’Opinion voit ainsi dans le référendum une « maladie infantile de la démocratie » :



La radio d’état France Inter se pose également la question : le référendum est-il démocratique ? Au passage, nous pourrions suggérer la question suivante : la démocratie est-elle démocratique ?



Puisqu’il s’agit d’empêcher le prolétariat de s’exprimer politiquement, et le peuple au sens large de choisir des orientations politiques contraires aux intérêts et à l’idéologie des élites politico-médiatiques, si la véritable démocratie c’était finalement la dictature ?

Certains responsables politiques ont toutefois déjà tranché cette question. Ainsi, le commissaire européen Pierre Moscovici qui préconise dans Libération de ne pas « répéter l’erreur des britanniques »:



La démocratie doit donc se limiter au « débat » qui ne doit lui-même pas donner lieu à un vote populaire, le peuple étant trop con et xénophobe. Cette « démocratie du débat » sans pouvoir de décision populaire, c’est à dire sans démocratie, vérifie ainsi l’adage de Coluche : « La dictature c’est ferme ta gueule, la démocratie c’est cause toujours. »

Je laisserai sur ce sujet le mot de la fin à L’hebdomadaire Le Nouvel Observateur qui affirme que le référendum constitue une « perversion démocratique » qu’il faudrait donc logiquement interdire :



Le référendum constituerait en effet  une Tyrannie de la majorité : « Quel naufrage, et quelle ironie, de voir les inventeurs du régime parlementaire sombrer sous les coups de boutoir de la démocratie directe ! » 

Pour le journaliste Mathieu Croissandeau, qui signe cet article mémorable, il s’agit de la véritable leçon du Brexit, qui « ne porte pas sur la nature du projet européen que rappelle cette semaine Jean Daniel dans son éditorial, mais sur la procédure choisie par le Royaume-Uni ». La véritable leçon du Brexit, pour les journalistes du Nouvel Observateur (ils se sont en effet mis à plusieurs pour concevoir cette idée…), c’est donc qu’il ne faut pas organiser de référendum.

La tyrannie de la majorité ne constitue t-elle pas cependant le principe opératoire fondamental de la démocratie élective partout où elle est pratiquée ? Et dans ce cas, que peuvent bien signifier de telles prises de position si ce n’est une haine viscérale, une haine de classe des élites médiatiques contre le principe même de l’expression de la volonté populaire, c’est à dire contre la démocratie ?

Le référendum britannique a ainsi eu l’immense mérite de révéler au grand jour la véritable nature et les orientations idéologiques du système médiatique, un système au service du pouvoir et des classes dominantes animé par la haine du peuple et prêt à sacrifier les principes fondamentaux de la démocratie dés lors qu’ils contredisent ses intérêts de classe.

La véritable leçon que doivent ainsi tirer les citoyens européens du référendum britannique, c’est celui de la collaboration de classe et de la trahison des médias de tous les principes déontologiques et démocratiques.

Guillaume Borel | 7 juillet 2016

Guillaume Borel, essayiste, est l’auteur de l’ouvrage Le travail, histoire d’une idéologie. Éditions Utopia, 2015. Il s’intéresse aux questions de macro-économie, de géopolitique, de propagande et d’intoxications médiatiques.

Source: http://arretsurinfo.ch/brexit-les-medias-affichent-leur-haine-du-peuple-et-de-la-democratie/


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Guillaume Borel

Source: Arrêt sur info

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