Mercredi matin, la Turquie a brusquement lancé une attaque militaire d’envergure sur la Syrie, y engageant des tanks et des troupes soutenues par la voie des airs en conjonction avec des attaques aériennes des États-Unis. L’attaque visait la partie nord de la Syrie, à proximité de la frontière turco-syrienne, au prétexte d’y combattre les forces d’ISIS. En ce moment, les opérations militaires semblent se concentrer sur la zone de Jarablus.

Selon la BBC : « Une douzaine de tanks turcs et d’autres véhicules ont passé la frontière syrienne après avoir lourdement bombardé une région tenue par le pseudo-État Islamique (ISIS). De source militaire, les médias turcs ont appris que 70 cibles, dans la région de Jarablus, avaient été détruites par l’artillerie et des frappes de roquettes et 12 par des frappes aériennes ».

 

Pour ceux qui se demanderaient quel but poursuit exactement la Turquie, il faut mentionner deux points qu’il convient de ne pas perdre de vue quand on parle de ces opérations : les Turcs n’ont nullement renoncé à détruire le gouvernement syrien ni à empêcher l’établissement d’une enclave kurde, que ce soit en Turquie ou en Syrie.

Premièrement, l’armée turque agit en qualité de vague d’assaut de première ligne pour le compte des « forces rebelles modérées » de l’ASL (« Armée Syrienne Libre ») qui marchent sur ses talons et occupent les territoires qu’elle conquiert. Toute association avec l’ASL – un ramassis d’extrémistes financés par l’Occident, indiscernables de ceux d’ISIS – devrait indiquer clairement à n’importe quel observateur informé, que le but n’est pas de participer à la destruction des forces terroristes en Syrie ni d’aider le gouvernement syrien dans ses efforts pour y parvenir. Deuxièmement, l’invasion turque a été accompagnée de frappes aériennes américaines, ce qui indique non moins clairement que les Turcs agissent en association étroite avec les États-Unis, lesquels n’en finissent pas de ronger leur frein et de piaffer d’impatience, à l’idée de pouvoir enfin détruire le gouvernement syrien par une action militaire, ou à tout le moins d’établir dans le pays des zones-tampon (« buffer zones ») et des zones de sécurité (« safe zones ») à utiliser comme bases d’opérations de leurs futures actions terroristes  déléguées.

Al-Masdar rend compte des progrès de l’offensive militaire turque en ces termes :

Les Forces Spéciales turques, au coude à coude avec l’armée Syrienne Libre (ASL) et Faylacq al-Sham, auraient capturé un premier village au cours de cette offensive, baptisée « Bouclier de l’Euphrate ».

Selon l’aile médiatique officielle de Faylacq al-Sham, leurs forces auraient capturé le village de Tal Katlijah, après que des terroristes de l’État islamique d’Irak et Al Sham (ISIS) aient rapidement abandonné l’endroit pour aller renforcer Jarablus.

ISIS a principalement abandonné la petite région entre Jarablus et la frontière turque, ne laissant en arrière que de faibles unités pour résister à l’avance des rebelles soutenus par les Turcs.

En ce moment même, les rebelles soutenus par les Turcs sont en train d’attaquer le village de Tal Sha’er situé sur une hauteur surplombant la route qui conduit à Jarablus.

Le programme turc est double lui aussi : d’une part, Erdogan souhaite continuer à travailler avec l’OTAN et les États-Unis pour détruire le gouvernement séculier de Bachar al-Assad, et d’autre part, la Turquie veut faire tout ce qu’elle peut pour empêcher qu’il y ait une enclave kurde à sa frontière avec la Syrie. Une manière efficace d’y parvenir est de créer une zone-tampon entre les Kurdes et la Turquie, en s’assurant en même temps que les dimensions de la zone-tampon sont bien les mêmes que celles de la « zone de sécurité » voulue par l’OTAN depuis deux ans, par où pouvoir acheminer de Turquie en Syrie l’approvisionnement des terroristes. Cet étroit et poreux corridor est aujourd’hui connu sous le nom de corridor de Jarablus, soit exactement la zone que les Turcs envahissent et remplissent de terroristes à l’instant où nous parlons.

De son côté, le gouvernement syrien a condamné l’invasion turque. Comme le rapporte ABC :

 

 Le gouvernement syrien a dénoncé l’incursion militaire turque, la qualifiant de « violation éhontée » de la souveraineté syrienne.

Dans un communiqué rapporté mercredi par l’agence d’information nationale SANA, le gouvernement déclare que « toute action en vue de combattre le terrorisme sur le territoire syrien ne peut être entreprise qu’en coordination avec le gouvernement syrien et l’armée arabe syrienne ».

Le communiqué en appelle également à une cessation immédiate de « l’agression turque », dont il dit qu’elle a été entreprise « sous le prétexte » de combattre le terrorisme.

Il dit encore : « Combattre le terrorisme ne peut pas se faire en chassant Daech pour le remplacer par d’autres organisations terroristes directement soutenues par la Turquie. » (Daech est l’acronyme arabe pour ISIS.)

L’YPG (Unités de Protection du Peuple Kurde) a également condamné l’implication turque en Syrie : « violation criante des affaires intérieures syriennes »

L’action de la Turquie soulève encore davantage de questions quant à la nature de son récent coup d’État « raté », et à celle de ses relations avec la Russie et les États-Unis. Une nouvelle dimension vient aussi d’être ajoutée à la crise syrienne, du fait que les Turcs ont envahi ouvertement un état souverain dans une région déjà volatile.

Brandon Turbeville

Brandon Turbeville – articles archivés ici – est l’auteur de sept livres : Codex Alimentarius — The End of Health Freedom, 7 Real Conspiracies, Five Sense Solutions et Dispatches From a Dissident, volume 1 et volume 2, The Road to Damascus : The Anglo-American Assault on Syria, et The Difference it Makes : 36 Reasons Why Hillary Clinton Should Never Be President. Turbeville a publié plus de 650 articles, sur une grande variété de sujets y compris sur la santé, l’économie, la corruption gouvernementale et les libertés civiles. On peut écouter son émission de radio « Truth on the Tracks » chaque lundi à 21 heures sur UCYTV. Son site web : BrandonTurbeville.com

 Source : http://www.informationclearinghouse.info/article45348.htm