Documentaire : Zambie, à qui profite le cuivre ?
Pourquoi les pays les plus riches en matières premières restent-ils souvent englués dans la misère ? Eléments de réponse avec le cas d’une mine zambienne.
On ne croit sans doute pas si bien dire quand on parle d’”exploiter” un gisement de matières premières. Car ce verbe vaut bien au-delà des seules ressources en question : il se rapporte non seulement aux travailleurs de la mine, mais aussi à l’environnement et même souvent au pays tout entier.
Mines de rien
En témoigne l’histoire de la mine de cuivre de Mopani, en Zambie, qui résume à elle seule l’envers du capitalisme financier globalisé. Plutôt que de profiter aux Zambiens, l’or rouge qui abonde dans leur sous-sol est d’abord pour eux synonyme de misère et de pollution. Une forme aiguë du “mal hollandais” qu’Audrey Gallet et Alice Odiou ont auscultée dans un documentaire édifiant, récompensé par le dernier prix Albert Londres.
Tout commence au début des années 1990 lorsque, sous la pression de la Banque mondiale, l’Etat zambien accepte de privatiser ses mines de cuivre. Celle de Mopani est ainsi acquise par la firme de négoce Glencore et son sulfureux PDG Marc Rich, plusieurs fois poursuivi pour corruption et fraude fiscale. Et quelques années plus tard, celle-ci obtient un prêt de 48 millions d’euros de la Banque européenne d’investissement (BEI) pour “moderniser” l’outil de production, favoriser l’emploi et réduire la pollution.
Métal hurlant
Mais, sur place, c’est tout le contraire qui s’observe : les mineurs sont licenciés en masse et les salaires pressés à la baisse, tandis que l’air et l’eau sont saturés en dioxyde de souffre et en arsenic, du fait de la méthode d’extraction économe choisie, qui empoisonne toute la population locale. Certains habitants commencent à s’organiser et fondent l’association Green and Justice.
L’un de ses principaux animateurs, le jeune économiste Savior Mwamba, entre en contact avec plusieurs ONG européennes, comme Les Amis de la Terre et Sherpa. Ensemble, ils mettent à jour les jeux de filiales et de prix de cession internes qui permettent à Glencore –dont la maison-mère est comme par hasard domiciliée dans le canton suisse de Zoug – de n’acquitter pratiquement aucun impôt en Zambie.
Loin de constituer un cas isolé, la mine de Mopani illustre combien les différents phénomènes en jeu font système. Et nous concernent tous, à en croire l’avertissement sur lequel s’achève le film : “Ruine économique et désastre écologique, si rien n’entrave ce mécanisme, alors la Zambie est notre futur.”
Igor Martinache
Source: Alternatives Economiques n° 320 – janvier 2013
via eburnienews
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