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La monnaie CFA de l’ère coloniale sous le feu alors que les ministres des Finances se rencontrent

Le ministre français des Finances, Bruno Lemaire, s’est entretenu jeudi avec ses homologues du bloc CFA dans la capitale nigérienne, Niamey, pour discuter de la santé du franc CFA, alors que de plus en plus d’appels réclamaient l’élimination de la monnaie. Les critiques disent que le franc CFA est un vestige du colonialisme, alors que la France maintient que le mécanisme garantit la stabilité.

La réunion des ministres des finances à Niamey jeudi n’était pas différente de celle qui l’avait précédée six mois auparavant. L’événement bi-annuel est un rituel. Cette année cependant, il a attiré plus d’attention en raison de la critique renouvelée du franc CFA.

Longtemps l’apanage de soi-disant panafricanistes, notamment le militant franco-béninois Kemi Seba, qui a brûlé il y a deux ans un billet de 5 000 francs CFA dans une manifestation symbolique, l’affaire a depuis été bafouée par le vice-Premier ministre italien Luigi Di Maio.

En janvier, Di Maio a reproché à la France de manipuler les économies des 14 pays africains de la zone CFA, soulignant le fait que le Trésor français, et non les deux banques centrales africaines, imprime les billets CFA.

Di Maio a affirmé que cette manipulation étouffait le développement économique et encourageait les migrations vers l’Europe.

« L’Italie a beaucoup de courage pour critiquer la France », estime Leslie Varenne, directrice de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IVERIS), « elle oublie qu’elle a aussi un passé colonial », a-t-elle déclaré à RFI. [Sauf que l’Italie s’est éloignée des affaires politiques, économiques et financières de ses colonies, leur laissant des marges de manœuvres certaines, en évitant de s’immiscer dans leurs affaires locales par la mise en place des techniques de contrôle de type FrançafriqueMIRASTNEWS].

Néanmoins, le franc CFA, utilisé par plusieurs anciennes colonies françaises d’Afrique occidentale et centrale, est la seule monnaie de la période coloniale encore utilisée. Ses critiques y voient une relique du colonialisme. [Rien que par l’aspect culturel, intellectuel et spirituel sans regarder les autres aspects, il est nécessaire de briser les chaînes de l’embrigadement et la dominationMIRASTNEWS].

Quel est le moteur de la réaction anti-CFA?

« Le franc CFA est l’un des instruments utilisés pour opprimer les Africains, en particulier ceux qui vivent dans la zone CFA », a commenté le militant sénégalais Guy Marius Sagna. Attaché à l’euro, « la monnaie favorise les importations, ce qui signifie que nos marchandises ne sont pas compétitives sur le marché international », a-t-il déclaré à RFI.

Le franc CFA est divisé en deux zones monétaires distinctes: l’Union économique et monétaire ouest-africaine composée de huit pays et la Communauté économique et monétaire centrafricaine, composée de six pays.

Appelé à l’origine franc des colonies françaises d’Afrique (franc CFA), il a été créé en 1945 pour [soi-disantMIRASTNEWS] favoriser l’intégration économique de la France parmi les colonies relevant de son administration, mais les critiques affirment que l’accord monétaire donne un accès préférentiel de la France aux ressources africaines. [Existe-t-il des accords en ce sens que les autorités des pays africains doivent appliquer ou renouveler constamment, ‘l’arme’ à la tempe ?MIRASTNEWS].

« C’est une monnaie qui exerce ce que nous appelons la répression financière », poursuit Sagna, « elle a été programmée pour nous maintenir sous-développés dans l’intérêt des entreprises et des multinationales françaises, mais maintenant les multinationales étrangères [d’autres pays – MIRASTNEWS] en profitent également », a-t-il déclaré à RFI.

Les pays membres sont tenus de conserver la moitié de leurs réserves de change auprès du Trésor français, à la Banque de France, dans un compte appelé « compte opérationnel ». [Il fut une période où ce taux était de 65%MIRASTNEWS].

L’Italien Di Maio a suggéré que la France utilisait ce système pour financer sa dette publique.

« Nous exigeons que les responsables français ne siègent plus au conseil de nos banques centrales », a déclaré Sagna, soulignant que la France avait une influence indue sur le processus de décision.

Dénigrement français

Des sources au Trésor français ont rejeté les critiques, affirmant que le franc CFA protégeait les 14 pays l’utilisant contre l’inflation et les incertitudes. [Alors que la France elle-même a abandonné la monnaie Franc français pour construire un autre système monétaire et sauvegarder et faire valoir ses intérêts au sein de l’Union européenneMIRASTNEWS].

En 1960, la Guinée a abandonné la monnaie pour la remplacer par la sienne, mais elle est régulièrement confrontée à une pénurie de devises et sa Banque centrale se démène pour assurer la stabilité.

Pour Leslie Varenne de l’institut IVERIS, le débat sur le franc CFA « est légitime, car la monnaie garantit la souveraineté », met-elle toutefois en garde contre les Français.

« Ce débat est devenu complètement irrationnel à une époque où la francophonie est en hausse en Afrique francophone », dit-elle.

Les critiques du franc CFA veulent une monnaie commune ouest africaine ; toutefois, les projets d’introduction d’un projet ont été retardés à plusieurs reprises et ne se concrétiseront pas avant 2020.

Une nouvelle monnaie commune serait une « erreur », dit Varenne. « Ces pays finiront par être confrontés aux mêmes problèmes que nous dans la zone euro. Il est impossible d’avoir une monnaie commune pour des pays aux économies très différentes. La Côte d’Ivoire n’est pas la même chose que le Burkina Faso », a-t-elle déclaré.

Véritable problème ailleurs

La colère contre le franc CFA ne vise pas uniquement la France; mais aussi envers les dirigeants africains accusés d’être complices de Paris. [Evidemment, nombreux d’entre-eux ont des biens ou entreprises et des comptes offshore dans des paradis fiscaux ou les pays occidentaux en devises étrangères, ce qui ne les encouragent pas à apprendre à gérer une monnaie localement au regard des difficultés que requièrent une telle prise en charge, étant donné que converties dans leurs pays respectifs en franc CFA, leurs fortunes deviennent incommensurables, ils ignorent donc des dégâts occasionnés aux populations et aux pays –  MIRASTNEWS].

« Nous avons des présidents comme Macky Sall et Alassane Ouattara qui n’ont aucune volonté politique de dire non à la France », affirme Guy Marius Sagna. « C’est à nous, citoyens, de lutter pour nos droits. »

Le président français Emmanuel Macron a déclaré que si les pays africains voulaient s’éloigner de la monnaie, la France ne leur ferait pas obstacle, insistant sur le caractère volontaire du système.

« Le vrai problème » pour Varenne n’est pas le franc CFA, mais le « manque d’industrialisation ».

« Ce qui pousse les jeunes Africains à partir, c’est le manque d’espoir et l’emploi. C’est ce à quoi devraient s’attaquer les dirigeants africains. C’est plus urgent que le débat sur le franc CFA », a-t-elle déclaré.

[Certes le désert économique et infra-structurel est un problème fondamental, mais si le franc CFA existe, une autre monnaie nommée Afro pourrait la remplacer valablement avec les mêmes attributs et plus d’avantages. Il faut bien qu’un jour ces régions d’Afrique se prennent en charge et apprennent comme les autres humains à gérer eux même cette composante importante de la vie économique et sociétale. Cependant, que faut-il faire avec des dirigeants soutenus par la Françafrique qui préfèrent par exemple se soigner dans les meilleurs hôpitaux étrangers à grands frais, au lieu d’en construire chez eux?

La politique ultralibérale du FMI et la Banque mondiale a une grande responsabilité dans cette situation, ayant interdit aux États encore pauvres de participer efficacement dans la construction d’un système économique viable, étant donné que c’est l’État qui gère les entrées financières issues de l’exploitation des ressources naturelles et de la récolte des taxes et impôts, ce qui a laissé aux dirigeants et autres vautours des marges de manœuvres encore plus grandes pour les détournements de fonds publics, la gabegie et la corruption. MIRASTNEWS].

Christina Okello

Traduction et commentaires : Jean de Dieu MOSSINGUE

MIRASTNEWS

Source : RFI

Kemi Seba, militant anti-franc CFA, expulsé de Côte d’Ivoire

© AFP 2019 Issouf Sanogo

L’activiste et militant anticolonialiste Kemi Seba a été expulsé mardi 26 mars de Côte d’Ivoire. Avec son équipe, il devait organiser le 31 mars, à Abidjan, la phase ivoirienne de sa campagne contre la Françafrique. Dernièrement, Kemi Seba avait violemment critiqué le Président de Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, pour sa défense du franc CFA.

Après le Sénégal, la Guinée et le Togo, c’est au tour de la Côte d’Ivoire de déclarer l’activiste Kemi Seba persona non grata sur son territoire. Le pays a expulsé dans la soirée du mardi 26 mars l’un des pourfendeurs invétérés du franc CFA. Expulsé vers le Bénin, son pays d’origine, «pour éviter des troubles à l’ordre public», selon les autorités ivoiriennes, le polémiste Kémi Séba, est arrivé mardi soir à Cotonou à bord d’un vol commercial Air Côte d’Ivoire et a été entendu par les autorités béninoises.

«Je viens d’être libéré des locaux de la Direction de Surveillance du Territoire, à Cotonou, après mon expulsion de Côte d’Ivoire par les autorités Ouatarristes et une réunion épique avec le ministre de l’Intérieur béninois, Sacca Lafia», a-t-il annoncé le 27 mars au soir sur sa page Facebook.

Kemi Seba, qui était arrivé le 23 mars à Abidjan, devait animer dimanche 31 mars un meeting de son association «Urgence Panafricaine» à Yopougon, un quartier populaire du nord d’Abidjan.

«Il nous avait été rapporté des risques potentiels de troubles par rapport à une manifestation qu’il comptait organiser sur le territoire d’Abidjan», a justifié Sidi Tiémoko Touré, porte-parole du gouvernement ivoirien, lors d’un point de presse mercredi 27 mars. «C’est pour cela qu’on lui a simplement demandé de retourner chez lui pour éviter des troubles à l’ordre public. C’est juste une mesure de prévention», a-t-il poursuivi.

Sidi Tiémoko Touré a conclu son propos, comme pour minimiser cette décision qui a fait un tollé sur les réseaux sociaux, en affirmant que «tous les jours nos différents services font retourner des individus pour différentes raisons. On leur demande de retourner dans leur pays.»

Kemi Seba milite notamment pour la sortie des pays africains du franc CFA, qu’il considère comme un instrument du néo-colonialisme; il envisageait de s’adresser aux Ivoiriens lors d’une manifestation, dans un pays dirigé par Allassane Ouattara, l’un des défenseurs de cette monnaie. On se souvient encore de la déclaration du Président ivoirien, reçu mi-février à l’Élysée par son homologue Emmanuel Macron. Alassane Ouattara n’avait pas tari d’éloges pour cette monnaie. «Le franc CFA est notre monnaie, c’est la monnaie des pays qui l’ont librement choisie, depuis l’indépendance dans les années 60 […] Elle est solide, elle est appréciée, elle est bien gérée» avait-il déclaré, avant de poursuivre:

«Nous sommes très, très heureux d’avoir cette monnaie qui est stabilisante.»

Suite à cette déclaration, le dirigeant ivoirien avait subi les foudres de Kemi Seba, qui l’avait du reste accusé d’être «un esclave volontaire».
Kémi Séba, plusieurs fois condamné en France pour incitation à la haine raciale, a été expulsé en septembre 2018 du Sénégal vers la France pour avoir brûlé publiquement un billet de 5.000 francs CFA (7,6 euros).

Anicet Simo

Source: Sputnik News – France

1 Comment on La monnaie CFA de l’ère coloniale sous le feu alors que les ministres des Finances se rencontrent

  1. 15ansdemafia // 28 mars 2019 à 21:37 // Réponse

    Macron balance des millions d’euros d’aides à des pays africains anglophones. Cette aide peut-être comprise comme une trahison par les africains francophones. A ceci, la Banque de France n’a pas du tout intérêt à lâcher le franc CFA. Tout revient à dire que la France a des positions contradictoires qui ne vont pas dans l’intérêt des français. Et tout est fait pour semer le doute, la pagaille et la discorde. Un peu comme nous le voyons en France, entre français

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