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Elections et votes ne font pas la démocratie: les Africains se trompent

Lucien Pambou

Oppositions et majorités en Afrique doivent méditer de façon permanente sur ce que Démocratie veut dire.

Les pays africains, surtout francophones, ont reçu en héritage le concept de #Démocratie politique, qui leur a été vendu par l’ancien Président François Mitterrand au cours de la Conférence de La Baule dans les années 1990. Mitterrand est dépositaire de la santé économique des pays africains (zone Franc), politique (accords bilatéraux et politiques ,contributions de la France pour aider les pays africains à s’endetter ou à renégocier leurs dettes auprès des bailleurs de fonds publics –FMI- et privés), sociale et culturelle (la place de la France via l’Union européenne dans le financement des programmes socioculturels africains). Sur le plan militaire, la France défend son pré carré africain face au terrorisme djihadiste et face à des groupuscules identifiés et armés en #Afrique noire (Boko Haram, AQMI, Ansar Dine, etc.).

Ce rappel des relations entre l’Afrique et la France permet de comprendre le modèle démocratique que la France a vendu à l’Afrique, il suffit de laisser de côté les partis uniques, de s’ériger contre les Présidents autocrates, d’organiser les élections et le vote pour recevoir le label de démocratie. Les Etats africains et leurs populations, les majorités politiques et les oppositions africaines se sont engouffrés dans une brèche intellectuelle et de position qu’ils n’ont pas suffisamment analysée pour se draper dans les habits de démocratie athénienne, dont l’existence a montré que ni les étrangers, ni les femmes ne pouvaient voter –contresens global qui n’a pas été analysé alors que cette Démocratie athénienne n’en était pas -. Il ne s’agit pas déranger l’ordonnancement du modèle démocratique qui a du mal à s’installer en Afrique mais de le questionner au fond quant à sa vitalité et son application pour l’Afrique actuelle.

Depuis 2015 de nombreuses élections se sont tenues en Afrique francophone. On constate qu’il y a des contestations, des disputes sur les modalités et les résultats de l’élection. La plupart des dirigeants africains (majorités et oppositions) n’expliquent pas à leurs populations l’importance des programmes économiques, notre dépendance vis-à-vis de l’Occident en matière de transfert de technologie et de ressources financières. En Afrique on se contente d’établir une équation réductrice : démocratie = élections + votes. Les élections et les votes sont des éléments essentiels mais non suffisants pour expliquer la démocratie à la manière du sociologue et juriste français Tocqueville qui lui mettait en avant les conditions sociales des transformations des sociétés pour parler de démocratie.

Tocqueville insistait sur l’égalité des conditions entre les individus, sur les progrès socio-économiques et sur la capacité des minorités politiques à exister sans entrave dans une société démocratique. L’analyse de Tocqueville est loin d’avoir un écho sociétal et politique en Afrique francophone. Comment obliger les intellectuels africains à sortir des chemins de convenance de la démocratie élective (élections + votes) ? Nos pays africains n’ont pas 1 000 ans d’histoire depuis les indépendances dans les années 1960. Il faut être sérieux dans l’analyse intellectuelle en convoquant, à côté des élections et des votes, d’autres critères propres à notre cosmogonie africaine pour expliquer les ratés démocratiques.

La démocratie africaine ou à l’africaine sont des débats d’intellectuels intéressants et de salons auxquels j’ai participé. La réalité, la modernité, commandent un travail plus sérieux, plus approfondi sur la démocratie et l’existence réelles des pays africains francophones dans le monde nouveau de la géopolitique au sein de laquelle les rapports de force sont dominants. Ces rapports de force respectent, assez paradoxalement, les droits de propriété, la souveraineté politique, les droits de contrat et la démocratie économique et nationale des pays souverains africains, à condition de savoir la conceptualiser et la mettre en musique pour le bonheur des populations africaines. #élections.

Lucien PAMBOU

Source: congo-liberty

Commentaires sur Congo-liberty

Kouvinga dit :

Il me semble que les arguments avancés par M. Pambou comme ceux soutenus par M. Motando demeurent louables mais insuffisants. Au lendemain de l’indépendance du Congo, malgré nos insuffisances très profondes, le jeune Etat congolais a, me semble-t-il, géré le pays en bon père de famille, même si l’on peut regretter l’instauration du monopartisme qui a davantage consolidé nos cultures africaines à dominante verticale, unicité de voix, d’opinion et de voie, et un chef à vie. Dans cette approche, le seul, mis à part quelques exceptions, à être égal à lui-même et à le proclamer, fut Jean-Bedel Bokassa, en République Centrafricaine. Mais, je considère, pour le Congo, comme pour toute l’Afrique noire, mises à part l’Afrique du Sud et l’Afrique blanche, le premier écueil repose sur l’ignorance. L’Afrique noire a su lire, écrire et compter, à peine, au XXème siècle. Elle ne maîtrise aucun domaine de savoirs, lato sensu(sciences, technologies). Or, tout progrès découle avant tout, il me semble, au-delà des conflits, quelle que soit leur nature, des connaissances, de ces savoirs dans leur conjonction, sciences et technologies. L’Afrique noire en ne voulant pas reconnaître ses lacunes profondes d’une part, et n’ayant aucune ambition sérieuse d’accéder à une maîtrise minimale de certains domaines de savoirs, demeure limitée, souvent à mal copier ce que les autres produisent : sciences et technologies dont les produits sont entre autres, le droit, la médecine, la physique, la chimie…la mécanique, l’informatique, les biens matériels, immatériels et les services. L’Afrique noire, à observer son organisation et son fonctionnement, à travers notamment ses « universités » qui sont des pauvres tentacules, ne maîtrise presque aucune discipline. Le médecin congolais ou africain, ne réalise pas, que le lieu de travail, les outils qu’il utilise pour exercer son activité, presque tout, lui vient de l’extérieur, simplement parce que nous ne sommes pas en mesure de concevoir, ni d’explorer et d’exploiter les ressources naturelles. Beaucoup considèrent les savoir-faire secondaires. De ce fait, ils évacuent cette approche fondamentale qui consiste à réellement gouverner certains domaines de connaissances, oubliant que, battre monnaie, accéder à l’eau potable, à l’électricité, aux soins, aux autres biens(voitures, télévisions, chaussures, allumettes, lames de rasoir, armes…médicaments) suppose avant tout une certaine maîtrise des savoirs que l’Afrique noire n’a pas et ne semble pas vouloir rechercher. D’ailleurs, il est absurde d’observer que bon nombre de pays d’Afrique noire déclament haut et fort devenir des pays émergents, comme la Chine ou le Brésil. Toutefois, ils oublient les critères de droit international qui déterminent l’émergence d’un pays. Fantaisie ou non, aucun de ces pays ne peut devenir émergent. A l’état actuel de ces pays, même un millénaire ne suffirait pas à atteindre un tel objectif. Inventions et découvertes demeurent encore pourtant hors de leur portée. En 3500 av. J.-C., d’aucuns déjà firent la découverte de la roue, et on en voit l’évolution. Où était l’Afrique noire? Maîtrise-t-elle aujourd’hui la roue, cette Afrique noire? Non, naturellement! Certes, on peut dépasser le maître, mais à condition d’abord de maîtriser le savoir, les savoirs du maître. C’est ainsi que l’Occident finit par dépasser l’Orient d’où viendrait la lumière. Aussi, nos savants, professeurs, universitaires, ingénieurs et autres techniciens ne produisent, ni ne découvrent rien, malgré les travaux de recherche entrepris(je suis dans l’ironie) parce qu’ils se contentent d’appliquer, souvent mal, ce que les autres produisent. Si le Congo ne sait pas fabriquer par lui-même la petite aiguille à coudre, au-delà de la mauvaise gestion, on ne peut pas lui demander de fabriquer un barrage électrique ou un simple pont sur un cours d’eau(à Brazzaville, certains cours d’eau ont pour ponts, des troncs d’arbre). Ainsi, dans cette optique, nos savants et autres professeurs ne maîtrisant ni la molécule, encore moins l’atome, comme les sociologues et autres juristes, qui tendent à transposer ce qui se fait ailleurs sans prendre en compte la réalité locale, oublient le décalage prégnant qui existe entre le droit congolais(les projets ou propositions de loi sont appelées au Congo « affaires », innovation juridique?!!!), à construire, et le droit français, le droit international(bien sûr, à ne pas négliger, tout ne se réinvente pas, y compris le droit français et la langue française). De la culture, des cultures ou coutumes congolaises: la notion de personnalité morale. Le chef, coutumier ou moderne en Afrique noire demeure caractérisée par sa culture(comme tout être humain) considère que son pouvoir est immuable. Il oublie souvent, vu l’ignorance, que certains rois ou empereurs, de par le monde, notamment en Europe, « détenaient » leur pouvoir de Dieu.
Aussi, je pense que l’Afrique noire n’est pas encore mûre, les courants de pensée étant encore trop pauvres, et de ce fait, j’attire l’attention des élites de nos pays à réfléchir sur ce que représentent les savoirs pour l’Afrique noire, et des ambitions mesurables qu’elle peut se permettre. La mise en place, après un sommet, des têtes pensantes au sens large, des équipes de recherche qui devraient parvenir à la maîtrise d’un minimum de savoirs, peut raisonnablement conduire un sérieux dirigeant politique d’Afrique noire à dire, désormais les progrès sont permis, la dépendance peut être réduite. Pour le reste, sans ignorer le rôle des pays nantis de savoirs qui nous vendent même parfois des déchets nucléaires, je n’oublie pas non plus, leur rôle, dans l’arrivée au pouvoir des dictateurs, comme je n’oublie pas enfin, que les élites, les intellectuels et autres gouvernants africains me paraissent soudés avant tout, pour la plupart d’entre eux, par l’idée d’appartenance à la même tribu, à la même région, qu’au même pays.

Edouard KOUVINGA, juriste.

Lucien Pambou dit :

Réponse à Edouard Kouvinga

Le papier de Kouvinga est long, bon et intéressant. ma réponse ne sera pas aussi longue que son papier il est allé de façon approfondir à l’essentiel, un essentiel qui pose les vrais problèmes de notre dépendance intellectuelle et technique vis à vis de l’Occident. Nous avons tous beaucoup de mal à créer une distance critique en rapport avec ce que nous sommes vis à vis de l’Occident qui nous donne les cadres politiques, économiques et financiers de la réflexion.
Après les indépendances on a formé des spécialistes de la littérature, des juristes, quelques médecins, des enseignants et très peu d’ingénieurs ou de scientifiques capables de regarder l’Occident, d’utiliser les connaissances de celui-ci pour transformer le cadre social et économique de notre pays.
Kouvinga utilise une anecdote géniale: nos ingénieurs, quand ils existent, sont incapables de construire le moindre petit pont sur n’importe quel ruisseau qui déborde en temps de pluie. Nos responsables politiques viennent se soigner à Paris car il n’y a ni matériel, ni médecin capable d’apporter des réponses idoines aux maux dont ils souffrent.
Il nous faut un renouvellement des intelligences dans des situations politiques pas toujours très favorables en Afrique, ce qui est un problème à long terme, mais qui ne doit pas l’être à court terme. Les démocraties autoritaires dans la plupart des pays africains existent car les dirigeants ont peur pour leur vie et leur survie après leur départ du pouvoir. Comment créer les conditions de débat et de dialogue pour les sécuriser et pour leur enlever l’envie de rester trop longtemps aux affaires. Il faut créer des conditions politiques de ce type de comportement politique et reconfigurer l’espace socio-économique pour permettre à des commerçants, des ingénieurs, des spécialistes du bâtiment et des travaux publics d’entreprendre. Les élites africaines, congolaises en particulier, ne sont pas conscientes du problème de la transformation réelle de l’espace dan lequel ils vivent. Ces élites sont plus théoriques et plus bavardes sur la chose politique car la politique a introduit un biais et un vice: elle demeure le seul moyen de s’enrichir et toute la bataille des intellectuels est tournée vers l’entrée dans cet espace politique, ce qui à terme réduit à néant les connaissances des élites formés à l’étranger et pour lesquelles le Congo a utilise des budgets importants.
Kouvinga est très clair: les élites africaines sont très incapables, incapables de transformer scientifiquement et techniquement l’espace territorial de leurs pays, incapables de se regrouper pour réfléchir ensemble sur les modalités scientifiques et techniques d’utilisation des connaissances des élites plus enclines à participer ai bavardage et au bruit politique dans leurs pays en attendant d’être appelées et rémunérées. La plupart des dirigeants politiques sont des stratèges qui connaissent les élites de leurs pays mieux que les élites elles-mêmes ne se connaissent ou connaissent les dirigeants. Pour l’instant, il y a une sorte d’appariement entre le pouvoir, le clan et les élites. Il faudra dépasser cet élément redondant qui devient de plus en plus visible alors qu’il était plus caché pendant les systèmes monopartistes.

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